Réforme de la responsabilité
des gestionnaires publics
Comptables, gestionnaires, régisseurs, chefs d’établissement :
Tous responsables ! Tous sanctionnables !
Le Gouvernement a décidé avec beaucoup de précipitation de mettre un terme au régime de la responsabilité personnelle et pécuniaire du comptable public. On peut s’interroger sur cette réforme de prime abord très technique décidée juste avant la fin du quinquennat !
La Responsabilité Personnelle et Pécuniaire (RPP), c’est quoi ?
La responsabilité de la dépense comme celle de la recette pèse uniquement sur le comptable et/ou le régisseur, qui sont responsables sur leurs deniers personnels. Mais cette responsabilité est soumise à un cautionnement obligatoire, et est assurable.Le chef d’établissement est lui responsable de l’opportunité de la dépense uniquement.
Avec la réforme, la responsabilité pèsera, sans distinction, sur l’ensemble des personnels suivants : chef d’établissement (l’ordonnateur), l’agent comptable, l’adjoint-gestionnaire, le régisseur.
Tous désignés comme « gestionnaires publics » dans la réforme !
DÉSORMAIS, LEUR RESPONSABILITÉ SERA ENGAGÉE SOUS DEUX ASPECTS :
- la faute et le préjudice significatif relèveront du tribunal, et pourront entraîner une amende jusqu’à 6 mois de salaire, et d’éventuelles sanctions managériales (suspension de fonctions et interdiction d’exercer) ;
- toutes les autres fautes, manquements ou erreurs : au moindre centime manquant, à la moindre erreur d’écriture, la sanction RH peut tomber !
Avec la RPP, le cautionnement ainsi que la possibilité d’assurance disparaissent.
Certains pourraient se réjouir de ne plus avoir à payer cette somme, mais en cas de problème, quel risque !
Et également, quelle autonomie du comptable face à sa hiérarchie pour dire non quand c’est nécessaire ?
La fin de la responsabilité personnelle et pécuniaire du comptable, c’est la fin annoncée de la séparation de l’ordonnateur et du comptable !
Autant dire la fin de la gestion publique des deniers.
Cette réforme, inscrite dans le rapport CAP 2022 est un des outils qui va attaquer les règles spécifiques de la gestion publique. Elle participe au démantèlement de l’administration publique, elle prépare la suppression du principe de séparation des ordonnateurs et des comptables.
Dès lors que le régime de responsabilité des ordonnateurs et des comptables sera unifié, il n’y aura plus qu’à supprimer ce principe puisqu’il sera dépourvu de toute consistance juridique et organique.
Tout cela obéit à une même logique : simplification donc dérèglementation, économie de moyens.
La prochaine étape sera à coup sûr l’abandon de la gestion financière et comptable aux collectivités territoriales qui pourront bien sûr comme la restauration ou l’entretien des locaux par exemple la déléguer à des entités privées.
Avec la loi 3DS (différenciation, décentralisation, déconcentration et simplification), l’objectif de CAP 2022 est bien de liquider toute forme de Service public.
Avec à la clef un double intérêt pour les pourfendeurs du Service public :
créer de nouveaux marchés très lucratifs pour le privé, car si les Services publics disparaissent, les besoins de la population demeurent. Vendre des prestations aux usagers qui le peuvent et un service très résiduel pour les personnes avec peu de ressources…
Et si les services publics disparaissent, plus besoin de les financer !
RÉFORME DE LA RPP-LOI 3DS : UN TANDEM DESTRUCTEUR
Avec la loi 3DS, l’adjoint-gestionnaire passe sous double autorité : la collectivité de rattachement et le CE. Or, dans la réforme de la RPP, le président de la collectivité fait partie des personnes ayant pouvoir de dénoncer les fautes des « gestionnaires publics ».
Autant dire que c’est un pouvoir de pression qu’ils peuvent exercer sur des EPLE soi-disant autonomes, et qu’ils risquent fort d’être « juges et parties ».
Le chef d’établissement reste responsable de l’opportunité de la dépense, mais devient responsable au même titre que le comptable, le gestionnaire et le régisseur des dépenses et des recettes, avec le même risque de sanction.
Supprimer cette responsabilité pécuniaire ferait des comptables publics de simples « caissiers » sans moyen de résister à d’éventuelles pressions des ordonnateurs.
La RPP garantissait l’autonomie du comptable public vis-à-vis de la hiérarchie et des collectivités. Il est désormais assujetti à la responsabilité managériale. La suppression de la RPP annonce la future remise en cause du régime indemnitaire de l’ensemble des comptables justifiée par le risque de mise en cause de la responsabilité pécuniaire.
Pour le SPASEEN-FO,
Cette réforme est dangereuse et va encore compliquer les relations dans les EPLE.
Avec la mise en place d’OPALE, et les difficultés dans la mise en œuvre d’OPERA, nous assistons à une nouvelle baisse de qualité dans le travail des personnels.
Des personnels déjà usés par les réformes successives sans moyens supplémentaires.
Toujours faire plus avec moins.
Le SPASEEN-FO rejette cette contre-réforme et appelle les personnels des intendances et des agences comptables à se mobiliser contre.
La réforme du cadre budgétaire et comptable
des EPLE (RCBC)
Réforme technique et outil de destruction ?
La réforme du cadre budgétaire et comptable des EPLE (RCBC) est entrée en application le 1er janvier 2013.
C’est la Cour des comptes qui a « préconisé » à la fois les regroupements d’agences comptables et, en 2011, « une évolution effective des EPLE vers une plus grande autonomie et vers un pilotage par les résultats conforme aux orientations de la LOLF », « afin de pouvoir élaborer les indicateurs de performance ».
Officiellement, il s’agissait de simplifier et d’assouplir la gestion, de rendre le budget lisible et transparent. En fait, cette réforme est une véritable rupture avec la cadre budgétaire et comptable existant, elle est une déclinaison de la LOLF, élaborée et arrêtée conjointement par le ministère de l’Éducation nationale et certains syndicats, avec la collaboration des collectivités locales.
Le budget n’est plus constitué de chapitres, mais de trois services généraux « retraçant les missions principales d’un EPLE »..
L’AUTONOMIE DES ÉTABLISSEMENTS ...
Selon ses concepteurs, la RCBC avait comme vocation à donner une plus grande autonomie au conseil d’administration et au chef d’établissement ordonnateur dans le cadre du projet d’établissement.
Dans le décret, il est dit que « la RCBC des EPLE se caractérise par la volonté de laisser le maximum d’autonomie possible dans l’utilisation des moyens alloués dès lors que ceux-ci sont employés au mieux pour atteindre les objectifs propres et/ou fixés en concertation avec l’autorité académiques et les collectivités territoriales, notamment dans le cadre de la contractualisation ». Cette réforme permet « un meilleur suivi financier (prévu /réalisé) des actions duprojet d’établissement et la rédaction d’un compte rendu en temps réel de l’utilisation des subventions et des moyens attribués aux établissements ».
...SOUS TUTELLE DES AUTORITÉS ET DES COLLECTIVITÉS
Autonomie oui, mais dans un cadre contraint, celui de 3 enveloppes fermées (services) dont l’utilisation par l’ordonnateur est étroitement contrôlée, en temps réel, par les autorités et les collectivités, avec la mise en place du « reporting » pour répondre aux enquêtes des « partenaires » de l’EPLE.
Les budgets sont élaborés en prenant en comptes les orientations et les options des collectivités territoriales.
Ces dernière ont accès au service « activités pédagogiques » : en y investissant des fonds, elles peuvent intervenir dans la définition des programmes et des enseignements.
En fait de « lisibilité », de « simplicité », de « souplesse », la RCBC est une petite bombe pour faire exploser les orientations et les programmes nationaux !
La réforme a préconisé en outre la mise en place de « services facturiers placés sous l’autorité de l’agent comptable » en relation avec les regroupements de comptabilités dont il est envisagé qu’ils puissent être interdépartementaux.
Surtout, le décret prévoit l’adjonction en annexe du budget « d’un état récapitulatif faisant apparaître les emplois dont l’établissement dispose à quelque titre que ce soit ». Il s’inscrit dans la démarche préconisée par la Cour des Compte : inscrire en annexe de chaque budget la masse salariales des personnels rémunérés par l’État et les collectivités territoriales.
Excellent instrument pour aider à supprimer des postes et pour déterminer le poids financier d’un établissement dans le but de le transférer ? Le privatiser ?
Détecter les filières rentables ou non ?
Laisser au chef d’établissement la gestion de sa masse salariale et donc favoriser le recrutement de CDI, CDD en lieu et place de personnels titulaires plus « coûteux » ?
Le SPASEEN-FO, avec la FNEC FP-FO a été seul à demander l’abandon de la RCBC, dispositif qui décline la LOLF à l’Éducation nationale, en organisant l’autonomie administrative et financière des établissements et ouvrant la voie à la privatisation.
La RCBC est bien, avec CAP 2022, et la réforme de la Responsabilité Personnelle et Pécuniaire des comptables une réforme qui portait en elle la destruction et l’externalisation/privatisation des services publics.